Avant les Jeux olympiques de Rio, Jean-Charles Valladont n’était pas vraiment un inconnu dans le milieu du tir à l’arc. Son palmarès international avait débuté en 2007 alors qu’à peine âgé de 18 ans, il remporte l’or en individuel et par équipes aux championnats d’Europe junior en tir FITA. Dès l’année suivante, on le retrouve aux Jeux de Pékin où il finit en individuel à la quarante-troisième place. Se succéderont alors les médailles, parmi lesquelles des médailles d’argent par équipes aux championnats du Monde en 2009 et 2011, une médaille de bronze aux championnats du Monde de tir en salle en 2009, mais aussi une médaille d’or aux Jeux mondiaux de Cali de 2013 en tir en campagne ou une autre médaille d’or aux championnats du Monde de tir en campagne en 2012.
Cette année, il décroche l’or aux championnats d’Europe avant de remporter, par équipes, une qualification pour les Jeux de Rio in extremis. On connaît la suite… Mais son actualité ne s’est pas arrêtée à cette médaille d’argent. Depuis, ont eu lieu les championnats de France de tir FITA et surtout les championnats du Monde de tir en campagne en Irlande. De retour de ces mondiaux avec une nouvelle médaille, nous l’avons rencontré pour un entretien.
Tir à l’Arc Magazine : Il y a près de 75 000 licenciés FFTA mais un seul Jean-Charles Valladont. Comment en êtes vous arrivé-là ?
Jean-Charles Valladont : Entre 6 et 8 ans, mes parents m’ont fait découvrir plein de sports, l’escrime, l’escalade, l’aviron, le foot et le tir à l’arc. J’ai été inscrit au club de Torpes. Le fils de l’entraîneur était Jocelyn de Grandys qui a fait les Jeux de Sydney et d’Athènes. Sa présence et ses performances tiraient le club vers le haut tout en conservant son ambiance familiale entretenue entre autres par Pascal de Grandys, le père de Jocelyn, qui, une fois l’entraînement fini, nous faisait partager d’autres activités. Cela m’a motivé et, au bout de deux ou trois ans, j’étais champion de France minime en salle, j’avais mis un doigt dans l’engrenage, je me suis retrouvé en sport études puis à l’INSEP. La progression a finalement été assez naturelle.
TAM : Comment vous êtes vous retrouvé à Rio ?
J.-C. V. : En 2008, lors de l’un des derniers tournois de qualification pour les Jeux de Pékin, Romain Girouille et moi décrochons deux qualifications. J’ai alors 18 ans et je suis à l’INSEP depuis deux ans. Nous partons tous les deux à Pékin. Ça a été pour moi un véritable émerveillement, je me retrouvais à manger à côté de véritables stars ! J’ai fini 43e, mais le simple fait d’avoir été aux Jeux était déjà en soi une victoire. J’avais déjà connu la magie des Jeux en 2008. Pour Rio, je n’avais pas l’intention de me laisser impressionner…
TAM : Votre objectif était donc le podium ?
J.-C. V. : Comme pour Pékin, nous avons été qualifiés à la dernière minute mais cette fois-ci par équipes. J’ai fait beaucoup de médailles internationales par équipes ; j’aime ce tir, c’était donc une chance pour moi de tirer à Rio en individuel et par équipes. Il se trouve que l’on n’a pas eu trop de chance et que l’on finit cinquième en équipes. C’était une grosse déception. J’ai donc voulu tout donner le lendemain en individuel.
TAM : Les pronostics ne vous plaçaient pas vraiment dans le trio de tête…
J.-C. V. : On a décroché les quotas très tardivement mais, un mois avant les Jeux, j’avais remporté l’or aux championnats d’Europe. J’étais donc en très bonne forme. Un an avant, j’avais décroché l’argent à la finale de la coupe du Monde à Mexico, en juillet dernier, j’étais quatrième au classement mondial. J’estime que je faisais partie des têtes de série même si les tout meilleurs étaient là.
TAM : Les tirs étaient retransmis en direct. On vous voit perdre la finale et prendre la médaille d’argent. Quel sentiment à ce moment-là ?
J.-C. V. : Je m’incline et je m’arrête sur une défaite, je suis déçu de ne pas avoir réussi à décrocher l’or. Tout se passe très vite. Arrive la cérémonie de remise des médailles avec l’hymne coréen et là je commence à réaliser que j’ai décroché une médaille d’argent aux Jeux olympiques et que c’est un événement mondial. Vient ensuite la soirée au club France où sont présents les médias, plus d’un millier de supporters et où tout tourne autour de toi. Je crois que c’est à ce moment que j’ai réalisé pleinement ce qui s’était passé. À Rio, on reste tout de même dans un milieu assez fermé et protégé. En rentrant en France, les choses prennent une tout autre dimension…
TAM : La médaille change-t-elle quelque chose à votre vie quotidienne ?
J.-C. V. : Je reçois énormément de sollicitations. Des médias mais aussi de personnes qui souhaitent ma présence lors de manifestations. Moi qui ne passais pas beaucoup de temps au téléphone et sur les réseaux sociaux, je me retrouve à avoir un agenda de ministre. C’est la rançon de la gloire, je l’assume et ce n’est pas quelque chose qui me dérange. Je craignais que cela ne me dépasse mais, finalement, je vis ça très bien et j’essaye de faire au mieux pour satisfaire tout le monde.
TAM : Vous n’êtes pas archer professionnel, comment conciliez-vous votre vie professionnelle et votre carrière d’archer ?
J.-C. V. : J’ai un CDI à France Archerie, je bénéficie d’un contrat d’insertion professionnelle qui me permet de consacrer plus de 80 % du temps de mon emploi au tir à l’arc. Le manque à gagner de mon employeur est financé par l’arc club de Nîmes, la FFTA et la DRDJSCS du Languedoc Roussillon (Direction régionale de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale). Cela fait dix ans, que je n’ai pas fait véritablement de break. Avant de repartir pour de nouvelles compétitions, j’ai besoin de faire une pause. Donc, je ne reprendrai mon arc qu’en janvier 2017. Mettre l’entraînement et les compétitions de côté me permet aussi de me rendre plus disponible pour les sollicitations diverses. Pour le moment, tout se passe très bien !
TAM : Début septembre, on vous retrouve aux championnats de France FITA où vous vous faites sortir assez vite…
J.-C. V. : Aller au championnat de France était important, cela me permettait de retrouver mes amis après les Jeux. Quand je vais sur une compétition, mon objectif est de gagner. Il est vrai que j’arrivais avec mon titre olympique et que j’étais un peu l’homme à abattre. Je n’avais pas vraiment optimisé mon entraînement et sur un match, j’ai trouvé quelqu’un capable de sortir un meilleur score que moi. Finalement, le tir à l’arc est un sport où tout le monde peut battre n’importe qui. J’ai décroché l’or avec mon club de Nîmes ; c’était une grande satisfaction. Trois semaines après, il y avait le championnat d’Europe des clubs au même moment que le championnat du Monde de tir en campagne. Je ne pouvais donc pas être présent avec l’équipe, il était donc important pour moi de faire ce championnat de France avec l’équipe et de décrocher cette médaille pour prouver notre valeur sportive.
TAM : Deux semaines après le championnat de France, il y a le championnat du Monde de tir en campagne. Depuis quand pratiquez-vous le tir en campagne ?
J.-C. V. : Au club de Torpes, je faisais de temps à autre des tirs en campagne. Notre entraîneur estimait que c’était bon pour l’apprentissage du tir. En 2003, j’avais fini vice-champion de France de tir en campagne minime à Belfort, mais quand j’ai intégré la filière fédérale, le tir en campagne n’était pas une priorité. Je l’ai donc laissé de côté jusqu’en 2012. Revenant d’une blessure, je n’ai pas pu me qualifier pour les Jeux de Londres ; je ne voulais pas rester à rien faire, j’ai décidé de me remettre au campagne pour les championnats du Monde de Val d’Isère. J’ai fini champion du Monde, ce qui m’a permis de récupérer un quota pour les Jeux mondiaux à Cali en Colombie que j’ai aussi remportés. On me propose de participer aux mondiaux de 2014 où je décroche l’argent. Malgré ma préparation pour les Jeux olympiques, je souhaitais aussi participer à ces championnats du Monde, et au vu de mes résultats, la fédération a accepté.
TAM : On voit un certain nombre d’archers de cible anglaise de haut niveau participer aussi à des compétitions de tir en campagne ; il existe des passerelles ?
J.-C. V. : Le tir en campagne, c’est différent, mais ça reste du tir à l’arc. À partir du moment où l’on a un minimum l’esprit nature, on se fait tout autant plaisir sur un parcours de tir en campagne. Par ailleurs, les bases du tir restent les mêmes, il faut juste s’adapter aux quelques spécificités techniques comme l’estimation des distances ou la prise en compte des dénivelés. Au final, on retrouve sur le podium deux médaillés olympiques, Brady Ellison et moi.
TAM : Comment s’est passée cette semaine en Irlande ?
J.-C. V. : Le temps n’a pas été de la partie. Il faisait froid et, lors de la journée dédiée au tir par équipes, nous avons eu droit au vent et à la pluie. C’était très désagréable de tirer dans ces conditions. Malheureusement, nous perdons dès le premier tour face aux Allemands. Mais sinon, la semaine s’est très bien passée ; l’état d’esprit des archers est différent de ce que l’on voit en tir FITA et c’est très agréable d’être confronté à ce changement. Au sein de l’équipe de France, l’ambiance était aussi très bonne. Je finis la semaine en remportant mon match et en décrochant le bronze, donc, c’était une bonne semaine.
TAM : Quels sont vos projets à venir ?
J.-C. V. : La prochaine olympiade, Tokyo. Peut-être celle d’après, surtout si ça se passe à Paris. Le tir à l’arc sur le site des Invalides, ça serait super. Mais je me fixe d’abord de repartir pour quatre ans et de décrocher la plus belle des médailles en individuel ou par équipes.
TAM : Et du côté du tir en campagne ?
J.-C. V. : En finissant troisième, j’ai récupéré un quota pour les Jeux mondiaux de l’année prochaine. Si mon calendrier le permet, j’aimerais y participer, mais mes participations à de futurs événements internationaux en tir en campagne seront d’abord dictées par mon calendrier FITA.
Notre entretien prend fin et Jean-Charles doit répondre à d’autres sollicitations. Avec près d’une vingtaine de médailles internationales décrochées en une dizaine d’années de haut niveau, Jean-Charles Valladont est l’un des patrons du tir à l’arc français. Il est aussi l’une des têtes du tir à l’arc mondial. Il n’y a plus qu’à espérer le voir décocher des flèches sur l’esplanade des Invalides en 2024.
Interview menée par Pierre Lansac, parue dans Tir à l’Arc Magazine n° 35 de novembre 2016.